jeudi 15 juin 2017

Les Fissures du silence


San Sebastián, dans les années 2010.

Rosa venait tout juste de fêter ses 79 ans. Elle était veuve depuis de nombreuses années. Fort heureusement, elle était bien entourée par ses 3 enfants et 7 petits-enfants. Il était rare qu’elle passe une journée sans la visite de l’un ou l’autre ou qu’elle ne reçoive un coup de fil pour prendre de ses nouvelles. Depuis la rentrée dernière, Nerea, sa petite-fille étudiante à l’université du Pays basque, partageait son appartement. Elle avait toujours eu une relation particulière avec sa grand-mère. Lorsque Nerea était âgée de cinq ans, elle avait été confiée à Rosa alors que sa mère avait dû être hospitalisée une bonne partie de sa grossesse. L’enfant était un vrai rayon de soleil et Rosa revivait à travers elle ses années de jeune mère.

Nerea s’accorde une pause bien méritée dans ses révisions. En fin de journée, elle ira courir le long de la baie de la Concha. Elle poussera sûrement jusqu’au sommet du mont Urgull où elle prendra le temps d’admirer le panorama dont elle ne se lassera jamais. Elle connaît le coin depuis qu’elle est toute petite et pourtant, elle note à chaque fois un détail différent. Puis, elle redescendra et retrouvera quelques amis étudiants. Ensemble, ils referont le monde autour de pintxos. En attendant, elle s’installe dans le canapé recouvert d’un plaid sur lequel un chien roux et frisé est étalé de tout son long. Ce dernier, prénommé Sherlock, est le fidèle et vieillissant compagnon de sa grand-mère depuis un peu plus de 15 ans. Nerea avait trois ans lorsque le chiot tout pataud est arrivé. Elle se souvient l’avoir accusé de l’une de ses bêtises. Le « c’est pas moi, c’est Sherlock » n’avait pas pris et elle avait été punie pour avoir incriminé l’animal qui aurait eu du mal à déboucher un tube de peinture et à dessiner au mur à l’aide d’un pinceau. « La prochaine fois, travaille mieux tes excuses, ma fille » avait lancé son père en ayant du mal à garder son sérieux. Pour Nerea, Sherlock est indissociable de cet appartement. L’animal dresse une oreille lorsque la jeune fille se saisit de la télécommande coincée en partie sous son flanc.

-          Désolée Sherlock, s’excuse-t-elle en tirant pour libérer l’objet.

Sherlock s’agite un peu pour exprimer son mécontentement, il souffle comme un humain excédé et se repositionne pour mieux se rendormir. Ses ronflements ne tardent pas à reprendre.

-          Je ne peux pas le croire… Tu entends ça, Yaya ? C’est incroyable.
-          Comment ? Je n’entends rien quand on me parle à travers les pièces comme ça. Je deviens sourde comme un pot. On est tout de même mal fichu ; les oreilles ne cessent de grandir pour entendre de moins en moins.

La jeune femme augmente le volume de la télévision. Rosa revient de la cuisine deux tasses de café et quelques biscuits en équilibre sur un plateau aux couleurs effacés par le temps.

-          Que disais-tu, ma chérie ? Je n’ai absolument rien entendu.
-          Regarde ! C’est complètement hallucinant.

Rosa s’arrête juste à côté de sa petite-fille et reste debout. Le plateau toujours dans les mains, elle avance la tête pour déchiffrer le texte inscrit sur un bandeau en bas de l’écran de télévision : « Scandale des enfants volés ». L’un des deux journalistes en plateau prend la parole d’un ton enjoué qui détonne avec le sujet traité et annonce : « Dans un instant, ne manquez pas le témoignage exclusif de Joaquina, cette espagnole qui a retrouvé sa mère biologique soixante ans, oui soixante ans, répète-il en détachant exagérément les syllabes, après avoir été enlevée à sa naissance ». Il se tourne vers sa collègue qui opine du chef en ajoutant : « On se retrouve après la publicité avec cette incroyable histoire. À tout de suite. » À l’écran, l’image se fige un instant sur un portrait de la fameuse Joaquina qui, avec son visage rond et ses grands yeux fait beaucoup moins que ses soixante-ans. Puis la publicité est lancée.

-          Pff ! Qu’est-ce que ça peut être racoleur cette émission, s’énerve Nerea. Tu ne trouves pas, Yaya ?

Nerea sent soudainement quelque chose de chaud sur son pied. Du café brûlant s’écoule depuis le plateau toujours entre les mains de sa grand-mère puis, les deux tasses viennent percuter le sol. Réveillé par le bruit, Sherlock, toujours fringant malgré son âge, bondit du canapé et se régale déjà des biscuits tombés. Sitôt que sa truffe entre en contact avec le café, il est surpris par la chaleur dégagée et s’ébroue pour se débarrasser de cette mauvaise sensation.

Sa grand-mère d’habitude si à cheval sur la propreté et les bonnes manières de Sherlock ne dit pas un mot. Elle a la bouche ouverte et le teint livide.

-          Yaya, que se passe-t-il ? Viens, assieds-toi, s’inquiète-t-elle en la débarrassant du plateau auquel elle semble devoir s’agripper pour rester debout. Une fois sa grand-mère assise, elle file à la cuisine et revient avec un grand verre d’eau.

-        Tiens, bois doucement et allonge-toi. Tu veux que j’appelle un médecin ? Elle attrape l’éventail posé sur la table basse et l’agite devant le visage de Rosa.

Nerea n’a jamais vu sa grand-mère dans cet état. Elle a toujours eu une santé de fer, toujours pleine d’énergie à tel point qu’il fallait parfois lui dire de s’arrêter et de se reposer un peu. Elle n’avait que faire des « à ton âge, il faut faire attention ». Plus on vieillissait, et plus on vous traitait comme une enfant. Nerea se sent démunie et son anxiété se traduit pas une salve de questions. En guise de réponse, Rosa pose son index droit sur sa bouche et prononce un chut à peine audible. Nerea ne la quitte pas des yeux. Une larme coule le long de la joue de son aïeule et elle serre ses mains pour calmer ses tremblements.

-          Non ! N’éteins pas, s’exprime enfin Rosa alors que sa petite-fille s’approche du poste de télévision.
-          Yaya… Tu…
-          Je veux entendre ce que cette femme va dire, précise-t-elle au moment où les deux journalistes reprennent l’antenne.
-          Très bien. Comme tu veux, Yaya.

Le plateau de télévision très coloré laisse place à un intérieur très sombre. À l’écran, deux femmes se font face. La caméra fait un gros plan sur Joaquina qu’une journaliste présente. Et son récit commence.

Je suis le cinquième enfant de mes parents, après deux garçons et deux filles. Du moins, c’est ce que j’ai cru pendant pratiquement toute ma vie. Lorsque je suis née, ma mère avait 42 ans et mon père dix de plus. C’était leur dernière chance de pouponner. La plus jeune de mes sœurs était âgée de 8 ans et l’aîné de mes frères avait déjà 14 ans.

Je ne ressemblais ni à mes parents, ni à mes aînés. J’étais petite et ronde et j’avais la peau et les yeux très foncés. Mes frères et sœurs étaient des copies les uns des autres. Je me considérais comme le vilain petit canard de la fratrie. Lorsque j’interrogeais mes parents sur cette différence physique, on me disait que j’étais le portrait craché d’une grand-mère que je n’avais jamais connue et dont il ne subsistait que quelques clichés pris lors de son mariage. Difficile de percevoir la moindre ressemblance entre l’enfant que j’étais alors et cette aïeule que je trouvais très belle au demeurant. En raison de l’écart qu’il y avait entre mes frères et sœurs et moi, je me retrouvais souvent seule. Nous n’avions pas les mêmes jeux. Seule ma plus jeune sœur me considéra un temps comme sa poupée avant de se lasser de jouer à la petite maman. Tous m’enviaient ma situation de petite dernière qui, à leurs yeux, me conférait la place de favorite dans le cœur de nos parents. Je ne pense pas avoir été leur préférée, simplement, les grands étant déjà autonomes, ils avaient plus de temps à me consacrer. J’ai eu une relation privilégiée avec mes parents. Je pouvais tout leur dire et ils me laissaient beaucoup de liberté.

-          Quand et comment avez-vous appris la vérité ?

Je me souviens d’une dispute avec mon frère Roberto. Nos cris s’étaient conclus par un « de toute façon, tu as été trouvée dans une poubelle » de sa part. Notre père avait entendu cette phrase et avait flanqué à mon frère la seule gifle de sa vie. Ses mots d’enfant en colère avaient fait leur chemin dans ma petite tête. Et si c’était vrai ? Ma mère avait su me rassurer. Elle m’avait prise sur ses genoux et raconté sa grossesse, les coups de pied que je lui donnais et la joie de mon père lorsqu’il a appris que la maison allait accueillir un nouvel enfant. Elle avait sorti l’album familial et m’avait montré des photos d’elle enceinte de moi, mais quelque chose ne collait pas. Ma mère faisait bien plus jeune sur ce cliché que sur celui de la page suivante où elle me tenait dans ses bras. Si l’on suivait sa logique, il n’était censé y avoir que quelques mois d’écart entre les deux photos. Soit ma naissance lui avait valu un coup de vieux fulgurant, soit il y avait bel et bien un souci. Lorsque je lui en ai fait la remarque en lui disant que la photo avait peut-être été inversée avec la grossesse de la sœur qui me précédait, elle m’avait répondu qu’elle ne pouvait pas se tromper, qu’elle portait la robe qu’elle avait spécialement tricotée quand elle avait appris qu’elle m’attendait. Comme j’étais la dernière, il n’y avait pas de doute possible, d’après elle. J’y ai cru.

J’ai perdu mon père à l’âge de 16 ans et ma mère il y a maintenant dix ans. Peu de temps avant sa mort, alors qu’elle était très malade, elle a enfin avoué que j’avais été adoptée. « Quand tu as eu l’âge de comprendre, j’ai voulu t’en parler, ton père était contre. Nous nous sommes beaucoup disputés à ce sujet. Tu étais une enfant si câline, une telle joie dans nos vies. J’ai eu peur que tu souffres trop. Peur de te perdre. Il était trop tard pour remuer le passé. Le silence était plus simple que la vérité. J’ai perdu plusieurs bébés avant toi. Ton arrivée parmi nous était un petit miracle. »

        Je suis tombée des nues en apprenant que celle que j’avais appelé Maman était en réalité une étrangère. Même si ça ne changeait pas grand-chose au fait que je n’ai jamais manqué de rien et surtout pas d’amour, mais réaliser à cinquante ans que l’on ne sait pas d’où l’on vient est un choc énorme. Une gifle qui fait basculer nos certitudes et qui n’est pas facile à vivre autant pour soi que pour son entourage. Et J’étais encore loin de connaître toute la vérité. Lorsque je lui ai demandé ce qu’elle connaissait de mes parents biologiques elle m’a simplement dit qu’elle savait que j’étais née le 5 mai 1950 dans une maternité madrilène, conformément à ce qui était écrit sur mon acte de naissance.

-          Mais vous avez fini par retrouver votre mère biologique.
-          Oui, assez récemment.

La mention « à tout de suite »… apparaît à l’écran.

Après cinq bonnes minutes de publicité, l’émission reprend. Une troisième personne est maintenant assise dans la pièce. La journaliste s’adresse à cette dernière :

-          Bonjour Teresa. Comment allez-vous ?
-          Bien. Merci.
-          Je précise pour nos téléspectateurs que vous êtes la mère de Joaquina.

Précision inutile tant la ressemblance entre les deux femmes est frappante.
-          Vous avez accepté de venir témoigner avec votre fille sur notre chaîne et nous vous en remercions sincèrement. Je crois que vous avez beaucoup à nous dire aujourd’hui.
-          Oui. C’est exact.
-          Je vous en prie. C’est à vous.

Teresa s’éclaircit la voix et se redresse sur son siège.

J’ai accouché en mai 1950. Le 5 mai 1950. Le 05.05.50. 3 fois 5. J’y ai vu un signe. Cet enfant me porterait bonheur. J’étais seule à ce moment. Je veux dire par là que j’étais une mère célibataire. J’avais tout juste dix-huit ans. Le père du bébé m’avait laissée en apprenant que je portais son enfant et mes parents m’avait mise dehors en me traitant de « honte de la famille ». C’est donc seule et paniquée que je m’apprêtais à devenir mère. Malgré la situation compliquée, j’aimais l’enfant depuis le jour où j’ai appris que j’étais enceinte et j’étais décidée à tout faire pour que sa vie soit belle. L’accouchement a été très long ; j’aurais aimé avoir quelqu’un auprès de moi ce jour-là. Une sage-femme ou une infirmière à peine plus âgée que moi a tenté de me réconforter et de me soutenir durant ces longues heures. Je me souviens encore de la douceur de son regard tandis que ma main broyait la sienne dans la douleur. Puis, j’ai entendu mon bébé crier. On m’a annoncé que c’était une fille et on l’a emmenée pour les premiers soins. J’ai fini par m’endormir, épuisée. À mon réveil, j’ai réclamé ma fille. Je voulais la tenir. Sentir la chaleur de son corps contre le mien, voir son visage. On m’a dit que ce n’était pas possible pour le moment sans ajouter plus d’explications. Bientôt, on est venu m’annoncer que ma fille était morte, que son cœur, trop fragile, avait lâché. Comment était-ce possible ? Neuf mois sans aucun problème et voilà qu’on me disait que tout était fini.

Le personnel de la maternité m’a dit « ce sont des choses qui arrivent ». Après tout, qu’est-ce que je connaissais de la vie à mon âge ? J’ai aussi entendu l’une d’elles qui tentaient maladroitement de me consoler en me disant : « Vous êtes jeunes. Vous en aurez d’autres ». Comme s’il avait été question d’un objet que l’on pouvait jeter et remplacer à l’envi. J’ai demandé à voir le corps de mon enfant. « Il ne vaut mieux pas » m’a-t-on répondu. Lorsque j’ai abordé la question de l’enterrement, on m’a dit que l’hôpital s’occupait de tout. J’ai laissé faire. J’étais très mal. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Je leur faisais confiance. Ces gens-là étaient des médecins, des infirmières ou des religieuses. Des gens de confiance, des femmes de foi. Ceux que l’on nous cite en exemple depuis l’enfance.

Par la suite, j’ai cru devenir folle. Au fond de moi, je ne voulais pas croire que mon bébé était mort. Pendant des années, je l’ai imaginée et comparée à toutes les petites filles que je croisais. Je m’asseyais sur un banc dans un parc et j’étais cette mère tenant les deux bras d’une petite fille et l’encourageant à faire ses premiers pas ou cette autre poussant une fillette riant aux éclats sur une balançoire. Ces filles et ces vies auraient pu être miennes.

J’ai repris des études. J’ai rencontré Eduardo. Je me suis mariée et j’ai eu d’autres enfants. Deux garçons. Je n’ai jamais parlé de mon premier bébé, pas même à Eduardo qui ne comprenait pas les terribles angoisses après les accouchements. Il avait peur que je ne sois pas faite pour être mère, j’étais simplement terrifiée de les perdre, eux aussi. Je n’ai jamais cessé de penser à ma fille et encore davantage les 5 mai de toutes ces années. Elle était ma blessure secrète. Et puis un jour, je reçois un coup de fil et j’apprends que ma fille n’est pas morte à la naissance et qu’elle me cherche depuis des années. J’ai d’abord cru à une mauvaise blague. Mon mari plaisante en disant que ce jour-là j’ai pris un coup de jeune.

-          Le choc a dû être terrible…

Je crois que le plus terrible est de se dire que des milliers d’enfants ont été ainsi volés à leur famille. Parce que les parents étaient des opposants de Franco ou parce que la mère était une femme seule comme je l’étais. On disait que c’était pour le bien de l’enfant, qu’il aurait un meilleur avenir dans une famille plus « convenable ». Il faut bien dire qu’il s’agissait au départ d’une volonté idéologique des franquistes. C’est ensuite un véritable trafic qui s’est mis en place dans tout le pays. Médecins, sages-femmes, religieuses, notaires… y ont participé. Des documents officiels ont été falsifiés. Et le scandale a continué bien après la fin de la dictature, pendant des dizaines d’années. Jusque dans les années 80, dit-on. L’État n’a pas bougé au nom de la loi d’amnistie du franquisme votée en 1977. Depuis quelques années, les langues commencent à se délier et le silence à se fissurer. Rendez-vous compte, aujourd’hui seules quelques dizaines d’enfants ont retrouvé leur véritable famille ! Combien ignore qu’on leur a volé leur enfant ? Combien ont quitté ce monde sans avoir jamais su la vérité ? Certains enfants ne savent pas qu’ils ont été adoptés, que leur vie a commencé par un mensonge. Combien de vies gâchées ? On parle de 300 000 enfants concernés. J’ai serré ma fille dans mes bras pour la première fois alors qu’elle avait soixante ans. J’ai 78 ans, il s’en est fallu de peu. Sans la détermination de ma fille, les associations qui se démènent et sans ce test ADN, j’aurais fini ma vie sans pouvoir la connaître. Je ne pourrai jamais rattraper le temps perdu avec ma fille mais j’estime avoir eu de la chance de la retrouver.

Je n’oublierai jamais le 5 mai, le jour de sa naissance ni le jour où elle est née pour la seconde fois.
La caméra fait un gros plan sur la main de Joaquina qui attrape celle de Teresa. La journaliste fait le geste d’essuyer une larme sous son œil gauche et remercie les deux femmes. Le reportage se termine sur de tendres regards échangés entre la mère et la fille.

-          Mais c’est horrible ! s’écœure Nerea qui est restée figée pendant tout le reportage.
-          Vraiment horrible, renchérit Rosa.

Rosa n’a pas non plus oublié ce 5 mai 1950. Elle était là le jour où Teresa a accouché. C’était elle qui avait tenté de la rassurer et qui lui avait tenu la main. Elle avait environ le même âge que la jeune mère. Elle avait tenu le bébé de la jeune femme. Depuis très jeune, elle avait eu envie de faire ce métier qu’elle considérait comme le plus beau du monde. Ce 5 mai 1950, cela faisait à peine une semaine qu’elle travaillait dans cette maternité madrilène. Le bébé de Teresa faisait donc partie des premiers qu’elle avait vu naître et soignés. La jeune mère, venue seule, l’avait beaucoup émue. Elle l’avait trouvé très courageuse. Elle était toujours là quand on avait annoncé à Teresa que son bébé était mort. Après s’être occupée d’une autre jeune mère dans une chambre située à quelques mètres, elle était revenue voir Teresa. Elle l’avait trouvée en larmes, le médecin venait de lui annoncer que son bébé était mort. « Je veux voir ma fille. Laissez-moi la voir », avait-elle imploré.

-          Mais… était-elle intervenue complètement abasourdie par la tournure que prenaient les choses.
Le médecin avait coupé net les interrogations de Rosa.

-          Allons, laissons Madame se reposer, maintenant.

Sortie de la chambre, Rosa avait demandé des explications. Que s’était-il passé ? Pourquoi dire à cette femme que son bébé était mort alors que ce n’était pas le cas.

-          C’est mieux ainsi. Ne vous mêlez pas de ça, Rosa.

La mère était seule. Elle ne ferait pas d’histoires.

Rosa avait quitté la maternité pour ne plus jamais y revenir. Le lendemain, elle faisait sa valise et quittait définitivement Madrid. Aujourd’hui, sous les yeux de sa petite-fille médusée de découvrir l’ampleur du scandale, le passé revenait frapper à sa porte. Lorsque Joaquina était apparue à l’écran, elle avait su. Malgré le passage du temps, il y a des visages qui ne s’oublient pas.